Frugal Brain, un projet inspiré du cerveau humain

Frugal Brain (cerveau économe), le projet Science Impulse dirigé par Swati Banerjee se donne pour objectif d’identifier les « raccourcis » empruntés par le système nerveux. Leur rôle ? Intégrer des stimuli multisensoriels et se forger une représentation cohérente de son environnement.

Swati BANERJEE

« La culture de collaborations interdisciplinaires entre ingénieur(e)s, et scientifiques du CEA est inestimable ».

Frugal Brain (cerveau économe), le projet Science Impulse dirigé par Swati Banerjee se donne pour objectif d’identifier les « raccourcis » empruntés par le système nerveux. Leur rôle ? Intégrer des stimuli multisensoriels et se forger une représentation cohérente de son environnement.

Frugal Brain ambitionne ainsi de déchiffrer les « algorithmes » déployés par le cerveau, système frugal par excellence. Pour ce faire, Swati Banerjee recourra à la technique de l’électroencéphalogramme (EEG), afin de recueillir des données sur l’intégration sensorielle dans le cerveau humain. L’analyse des données collectées devrait contribuer à la compréhension des pathologies neurologiques et à inspirer les technologies de demain.

Rencontre avec une chercheuse passionnée de sciences et d’ingénierie et formée par son père… depuis son plus jeune âge.

 Frugal Brain : identifier et comprendre les « algorithmes » du cerveau

Différentes questions devraient trouver réponses grâce à Frugal Brain. Quelles sont les interactions entre les différentes modalités sensorielles (visuelles, auditives, haptiques) dans le cerveau humain ? Quels arbitrages le cerveau fait-il entre ces modalités pour prendre des décisions rapides et efficaces ? Quel modèle identifier pour décrire ces « raccourcis » et les exploiter dans d’autres systèmes non-organiques ? Autant d’informations qui permettront d’appréhender les « algorithmes » mobilisés par le cerveau.

Swati Banerjee optera pour la technique de l’EEG, moins onéreuse que l’imagerie à résonance magnétique fonctionnelle (IRMf). Celle-ci est habituellement utilisée dans ce type de recherche, pour recueillir des données sur l’intégration sensorielle dans le cerveau humain. L’EEG sera couplé aux méthodes d’analyse et de modélisation multi-échelle. Il pourra être plus largement déployé afin de constituer des bases de données massives.

Via le déchiffrement du fonctionnement des organes sensoriels, Frugal Brain aidera à concevoir comment ces derniers influent sur nos prises de décisions quotidiennes : effectuer tel ou tel geste, sélectionner un mot plutôt qu’un autre etc. L’analyse des données recueillies fournira des connaissances approfondies sur la façon dont les malvoyant(e)s remplacent la modalité visuelle par la voie haptique, par exemple. Toute la singularité de l’approche réside dans l’étude des trois modalités : « auditive, visuelle et haptique ». Alors que les travaux existants n’explorent que la double combinaison « auditive et visuelle ».

Sur le plan médical, la compréhension des conditions pathophysiologiques, à l’œuvre dans certaines maladies neurologiques, pourra être améliorée grâce à de nouveaux biomarqueurs. Ils seront essentiels pour appréhender l’évolution de ces pathologies et établir un pronostic rapide. Dans le cas de l’épilepsie, l’instant où la crise est susceptible d’arriver sera ainsi précisément identifié, afin d’empêcher sa survenue.

Enfin, l’outil développé lors de ce projet Science Impulse pourra faciliter la conception biomimétique de dispositifs et de systèmes non organiques. En matière d’électronique frugale, les cas d’usages sont larges : du smartphone aux dispositifs intelligents, tels que les robots pour l’industrie ou d’autres applications.

Frugal Brain, un projet multidisciplinaire à dominante féminine

Pour conduire son projet Swati Banerjee est intégrée au LISA. Dirigé par Margarita Anastassova, le Laboratoire d’Interfaces Sensorielles et Ambiantes (CEA-LIST) a pour objectif de développer des interfaces et modalités d’interaction homme-machine innovantes. « Accueillir une chercheuse travaillant sur le système neurosensoriel est donc particulièrement intéressant » déclare la cheffe de service.

Swati Banerjee collabore régulièrement avec des médecins, des pharmacologues ou des cancérologues, afin de mieux appréhender les pathologies. Son défi quotidien ? S’adapter à ce secteur biomédical : « Les problématiques ont de multiples facettes. Un clinicien aura une approche différente de la maladie, à laquelle je ne peux répondre qu’en tant qu’ingénieure ». La jeune scientifique ajoute que l’industrie des capteurs a des besoins bien différents. Elle s’efforce donc « d’établir un pont entre ces deux communautés : l’essence même de la recherche translationnelle ».

Également encadrante de la jeune chercheuse, Margarita Anastassova le confirme : « Jusqu’à présent le CEA était dominé par les sciences dures comme la physique. Le centre explore toujours davantage cette configuration d’équipes multidisciplinaires. Les sciences humaines sont désormais davantage intégrées, même s’il reste encore du chemin à parcourir ! ».

Supervisée par une scientifique durant sa thèse, Swati Banerjee a été heureuse de découvrir l’encadrante de son projet. « L’ingénierie et la technologie sont (encore souvent) considérées comme des bastions masculins. Collaborer étroitement avec des professionnelles, telles que Margarita, est très inspirant pour moi » assure la jeune chercheuse.

Psychologue de formation, la cheffe du LISA renchérit : « Je travaille quotidiennement avec des ingénieur(e)s. Il me semble important de dire aux jeunes filles, y compris celles issues des sciences humaines et sociales, qu’elles aussi peuvent diriger un service au CEA. Si les compétences sont évidemment indispensables, il est toujours bénéfique d’accueillir davantage de femmes dans les équipes ».

Swati Banerjee, candidate au programme Science Impulse

Swati Banerjee affirme que sa formation de scientifique a débuté dès l’âge de cinq ans. Avec son père, diplômé en Génie électrique et physique et « source d’inspiration » pour la chercheuse, elle a réalisé de nombreuses expériences. « J’étais réellement fascinée par les petites résistances colorées, connectées à des circuits intégrés » déclare-t-elle.

Encouragée par ses parents à étudier les mathématiques, la physique et l’ingénierie, la jeune chercheuse s’est parfois sentie isolée dans un environnement (surtout) masculin. Ses études terminées, elle croise la route de sa première mentor : Sanghamitra Bandyopadhyay, actuelle Directrice de l’Indian Statistical Institute (Institut indien de statistiques). « Une scientifique en informatique de renom, qui m’impressionnait énormément et m’a servi de modèle » précise-t-elle.

Interrogée sur les raisons de sa candidature au programme Science Impulse, Swati Banerjee se montre enthousiaste : « J’ai été particulièrement intéressée par le CEA, l’un des pionniers des technologies basées sur l’intelligence artificielle et la santé numérique. Je suis très heureuse de faire partie du centre de recherche afin d’apporter ma contribution, de continuer d’apprendre et de progresser auprès de mes collègues. La culture de collaborations interdisciplinaires entre ingénieur(e)s et scientifiques du CEA est inestimable. De plus, le centre est à la pointe de la technologie et l’un des organismes phares en matière de dépôt de brevets. Je ne pouvais pas faire d’autre choix ! ».

La scientifique affirme avoir été bien préparée : autant par le panel de sélection du projet que par l’équipe RH du CEA. Elle assure que le fonctionnement du centre et le périmètre de ses responsabilités lui ont été clairement définis à cette occasion.

Frugal Brain, un projet bénéfique à plus d’un titre

Outre son salaire, la bourse associée à Frugal Brain a permis à Swati Banerjee de recruter pour son projet.

La jeune chercheuse estime que les différentes responsabilités inhérentes à Frugal Brain lui ont déjà permis de gagner en compétences. Embaucher et encadrer une équipe, rechercher des financements : autant d’étapes importantes franchies par la scientifique.

Swati Banerjee ne peut pas (encore) se projeter dans l’avenir. Elle juge, cependant, ce projet déjà « très prometteur ». Forte du soutien du LISA et de Margarita Anastassova, elle est certaine que « cette expérience très enrichissante » bénéficiera à sa carrière.

En guise de conclusion, la chercheuse déclare que Frugal Brain lui permet d’allier ces deux matières de prédilection : la science et l’ingénierie. Swati Banerjee, qui a désormais « des raisons personnelles de vivre en France », confie qu’elle aimerait poursuivre sa carrière… au CEA.

Quels conseils aux futur(e)s candidat(e)s du programme Science Impulse ?

Swati Banerjee encourage les candidat(e)s intéressé(e)s à postuler au programme Science Impulse. Elle reprend le conseil prodigué à sa petite sœur, lorsqu’elle était enfant : « Fais ce qui te passionnes vraiment et efforce-toi de te donner à 100 % ».

Hélène Champetier-Gusella/Sara Freitas

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