Vers la prochaine norme de télécommunication, la 6G

En attendant le déploiement de la cinquième génération des réseaux radio-mobiles (5G), les chercheurs académiques et industriels ont commencé à travailler sur la 6G, 100 fois plus rapide que la 5G, avec une couverture améliorée et utilisable absolument partout y compris dans l’espace !


Rafik ZAYANI

« Tout au long de ma carrière, j’ai travaillé avec des universitaires, il me fallait voir l’aspect pratique, la recherche pratique, qui va directement à l’industrie. Le CEA est le bon endroit pour ça. » 

Cette future génération, dont la mise en œuvre est prévue à l’horizon 2030, devrait aussi endosser les services grâce à une latence et une consommation énergétique beaucoup plus réduites. Ainsi, l’évolution fondamentale vers de nouvelles technologies comme le « MIMO massif » est particulièrement intéressante.

Dans ce contexte, le CEA-Leti reçoit Rafik Zayani pour une durée de trois ans dans le cadre du défi « Efficacité énergétique des futurs systèmes de communications, 6G » du programme Science Impulse, En intégrant les laboratoires de l’Institut, Rafik Zayani sera au cœur des recherches menées par les équipes déjà en place pour surmonter les défis de la conception et de l’optimisation des transceivers (émetteurs-récepteurs) 6G. L’objectif est ambitieux : diminuer la consommation énergétique de 90 %, dans un secteur susceptible de représenter jusqu’à 14 % des émission mondiales de CO2. L’apport de l’expérience de Rafik dans ce domaine est évident, menant ainsi à une contribution fructueuse.


L’évolution des réseaux

Inutile de s’étendre ici sur la première génération de téléphonie mobile (analogique), même si certains se souviennent encore avec un sourire amusé de l’imposante et lourde boite que les utilisateurs promenaient fièrement avec eux pour passer leurs appels (et que dire du temps nécessaire pour établir une connexion avec un interlocuteur !). C’était dans les années 80.

La deuxième génération de réseau, que nous connaissons sous l’appellation 2G, est le premier système cellulaire de communication entièrement numérique. Son débit permettait de communiquer par la voix et d’envoyer des messages texte courts, mais pas plus. En effet, la technologie d’alors utilisait une faible largeur de bande (la largeur de bande conditionne fortement le débit possible).

Avec la 3G, la mise en place d’une nouvelle technologie de codage à large bande augmente le débit théorique. Outre la communication vocale et les textos, il est désormais possible de s’envoyer des images couleur et des vidéos (mais pas en temps réel !).

L’avènement de la 4G permet d’utiliser des bandes de fréquences larges ouvrant la porte à une navigation fluide sur internet ainsi qu’à la vidéo en temps réel, parmi d’autres services. Très utilisée sur nos territoires, la 4G a véritablement modifié les usages dans la téléphonie mobile. Cette démocratisation des services numériques s’illustre aujourd’hui par une très forte augmentation de consommation de données. Malgré les efforts entrepris pour une plus grande frugalité des composants et des logiciels, l’augmentation de la consommation énergétique liée aux services numériques devrait s’accélérer avec le déploiement de la 5G. En cause, une augmentation considérable du nombre d’équipements connectés et l’émergence de nouveaux services, nécessitant plus de capacité de calcul, donc des composants électroniques énergivores.


Abaisser la consommation énergétique

Le défi proposé par le CEA dans le cadre de Science Impulse, est ambitieux. Il vise une réduction de consommation énergétique de 90 % en conservant la même qualité de service voire en l’améliorant. Il faut en effet répondre à la demande exponentielle de connexion des objets, augmenter les débits, accueillir de nouveaux services, etc. Au-delà d’une stricte utilisation grand public, la prochaine norme trouvera également des applications en santé, agriculture, transports, industrie.

Rafik Zayani s’intéresse particulièrement à la couche physique, aux composants électroniques, gourmands en énergie. En effet, les techniques de transmission de dernière génération (formes d’onde multiporteuses et MIMO massif) génèrent des signaux ayant une dynamique très importante qui nécessitent une chaine de composants de radio fréquence surdimensionnée. Ces derniers sont conçus pour faire passer le signal sans le distordre et sans dégrader les performances pour assurer la qualité des transmissions.

La piste de recherche explorée par Rafik Zayani et les équipes du CEA-Leti consiste à mettre en œuvre des composants à bas coût, de basse ou moyenne qualité, et donc compacts. Ces technologies existent, elles ont fait leurs preuves et consomment peu. Il y a cependant un inconvénient à leur emploi : elles dégradent le signal et la qualité de la transmission. Et les distorsions sont d’autant plus sévères que la qualité des composants est basse. Si la partie numérique à proprement parler est peu énergivore, la partie radio fréquence représente 90 % de la consommation des dispositifs. C’est elle qui utilisera les composants « low cost ». Des algorithmes seront développés sur la partie numérique pour corriger la distorsion du signal, plus particulièrement pour les convertisseurs analogiques-numériques, les convertisseurs numériques-analogiques et les amplificateurs de puissance.

Les chercheurs du CEA-Leti travaillent depuis longtemps sur ces modèles technologiques. La mesure de modules de radio fréquence ainsi que les algorithmes de traitement du signal constituent une base de données à laquelle il sera possible de recourir pour construire des modèles pertinents de modules RF (Radio Fréquence). Plus précisément, au sein du CEA, le service des transmissions sans fils est spécialisé dans les algorithmes de traitement du signal et le département Systèmes conçoit des modules RF. Il en découle une bonne vision des perspectives d’intégration et de consommation à laquelle Rafik Zayani pourra se référer.

En pratique, il sera possible de tester des couples algorithme/convertisseur et de faire progresser encore l’état de l’art pour aboutir à un système viable, peu énergivore et répondant aux besoins des opérateurs.


Une nouvelle technologie prometteuse, le MIMO

L’utilisation d’une unique antenne pour les transmissions rayonne l’énergie dans toutes les directions. Une antenne réceptrice ne captera qu’une toute petite partie du signal émis, tout le reste se perdant dans l’environnement. Ce « gaspillage » est encore accentué par le fait qu’un seul utilisateur peut être servi sur une fréquence au détriment de tous les autres.

Le MIMO massif (Multiple Input Multiple Output), introduit avec la 4G consiste à utiliser des réseaux de petites antennes commandés conjointement. En utilisant plusieurs antennes émettrices, il est possible de focaliser le signal sur un point en évitant de le dissiper dans toutes les directions. Plusieurs utilisateurs peuvent ainsi être servis sur la même fréquence et de façon simultanée. En conséquence, le débit augmente, le réseau n’est plus saturé. Cette technologie est normalisée pour la 5G (release 15), mais son déploiement reste cependant très couteux. L’augmentation du nombre d’antennes et les chaines RF associées conduisent à l’installation de stations de base ayant un poids de l’ordre de cinq tonnes et une consommation électrique d’une centaine de watts.

Une solution révolutionnaire consisterait à utiliser plusieurs points d’accès (PAs) qui partagent les antennes de la station de base (on parle du MIMO massif virtuel), intégrant des composants à faibles coûts et peu consommateurs d’énergie comme nous l’avons déjà évoqué. Des PAs de tailles réduites et munies d’un petit nombre d’antennes seraient donc envisageables, ouvrant la possibilité du MIMO pour un déploiement rapide et moins couteux. Ce système aurait en outre l’avantage d’être facilement installé pour des usages industriels (industrie 4.0), dans les usines, ou encore pour créer un réseau dédié en cas de catastrophe naturelle par exemple.

Le cas de figure où l’on utiliserait une centaine d’antennes pour servir par exemple dix utilisateurs (au lieu d’un avec les solutions plus anciennes) laisse un grand degré de liberté pour exécuter la compensation de distorsion induite par le matériel. Pour la 6G, dupliquer le signal, le faire « rebondir » et le focaliser grâce à l’électronique permettra de gagner en degrés de liberté pour améliorer les performances du MIMO massif virtuel. Cet axe de travail accompagne également la recherche sur les surfaces réfléchissantes reconfigurables menées par le CEA.


Le parcours scientifique de Rafik Zayani

Diplômé de l’École Nationale d’ingénieur de Tunis (ENIT – Tunisie) en 2003, titulaire d’un mastère de recherche en Télécoms (2004), il devient docteur en sciences (2009) puis obtient un poste d’enseignant-chercheur à Tunis tout en intégrant le laboratoire de recherche Innov’COM de l’École Supérieure des Communications de Tunis (Sup’Com). En 2020, Il obtient son diplôme d’Habilitation à Diriger des Recherches (HDR) du Conservatoire National des Arts et Métiers(CNAM), Paris, France.

Il développe des collaborations avec le CNAM, dont il est membre associé, et contribue à la recherche sur la réduction de la consommation énergétique liée à l’amplification de puissance pour les formes d’ondes multiporteuses. En 2015, à la faveur du projet ANR WONG5 et l’étude de nouvelles formes d’ondes, sa route croise parmi les parties prenantes deux organisations aux visées industrielles : Thales et le CEA.

En 2018, il gagne un financement Marie S. Curie (MSCA-Individual Fellowship) de la Commission Européenne pour stimuler la recherche d’excellence et la mobilité des chercheurs, puis en 2020, il candidate à l’appel à projets Science Impulse pour lequel il est retenu. Science Impulse, fellowship.

Il s’est toujours intéressé à voir la recherche s’appliquer à l’industrie, cadrée par des contraintes pratiques d’implémentation, ce qui lui permet d’acquérir de nouvelles compétences qu’il estime indispensables à son métier (recherche académique, mais aussi industrielle, management de projets, etc.).

Il s’est passionné tôt pour l’ingénierie des télécoms, une filière balbutiante à l’époque de son entrée à l’ENIT (en 2000) où tout était à défricher. L’exemple de son père, ancien ingénieur en mécanique, n’est certainement pas étranger à son intérêt pour les disciplines techniques.

Writing/Translation : Sara FREITAS – Christophe JARDIN

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